vendredi 20 janvier 2012

Partis (enfin !) de Las Palmas le 30 Décembre, nous avons parcourus les 800 Miles nautique qui nous séparaient du Cap Vert en 6 jours et demi, notre plus longue traversée jusque la ! La fenêtre météo s’est faite attendre, et nous avons décalé notre départ de plusieurs jours afin d’éviter un coup de vent au milieu du parcours, dont l’arrivée semblait être repoussée chaque jour…
Nous levons l’ancre en milieu d’après midi dans 15 nœuds de vent établi au Nord Est et tirons d’abord un grand bord pour nous écarter de Gran Canaria car le vent accélère typiquement d’une dizaine de nœuds le long de la cote. Quelques heures plus tard nous mettons cap au 210, droit sur l’ile de Sal au Cap Vert ! Nous longerons à bonne distance la cote Mauritanienne.
Callisto navigue plus à l’aise avec le vent légèrement de cote plutôt que venant directement de derrière ; nous nous calons a 30 degré du vent réel et laissons le régulateur d’allure nous faire changer de cap aux grés des oscillations du vent, entre le Nord / Nord-est. Nous empannons lorsque notre route en zigzag commence à suivre des courbes trop importantes. En plus des quarts de nuit, nous dormons plusieurs heures à tour de rôle en journée, ce qui nous permet de garder un rythme de sommeil suffisant pour rester en forme et ne pas piquer du nez pendant les quarts. Un patch derrière l’oreille et nous retrouvons la navigation sans mal de mer, qui s’accompagne de plus d’énergie, de plus de liberté de mouvement, de plus d’envie ! Callisto file sur l’eau et nous savourons le fruit de longues semaines de travail…
Nous profitons de deux jours dans ces conditions idéales qui nous laissent cuisiner, garder le bateau en ordre, bouquinner, bref vivre à bord ! Et puis le troisième jour le vent monte d’un cran et une mer croisée s’installe. Deux ris dans la grand voile nous donnent assez de toile pour filer entre 7 à 8 nœuds au portant.
Les conditions sont moins grosses que lors de la traversée du Portugal à Madère, mais les vagues s’écrasent tout de même lourdement sur Callisto inondant abondamment le cockpit. Nous fermons à plusieurs reprises la porte de la descente pendant plusieurs heures pour éviter qu’une vague n’inonde l’intérieur, et passons la quasi totalité de notre temps à l’intérieur. Dans chaque grosse vague le bateau est projeté de cote, il se couche et quitte momentanément sa route. Mais le régulateur d’allure rempli son rôle et rétabli la route au bout de quelques titubations. Malgré plus de fatigue, nous rentrons dans un rythme qui nous convient et lorsque le vent et la mer se calment à deux jours de l’arrivée, nous nous imaginerions presque piquer vers l’Ouest et tracer vers les Antilles...
Les deux derniers jours Callisto n’avance plus qu’ à 4 nœuds dans un vent faiblard et une mer calme. Nous en profitions pour cuisiner, lire plus facilement, et passer à nouveau nos nuits dehors à nous imprégner des bruits de la mer… Comme toujours l’impatience monte durant la dernière journée lorsque commencent les pronostiques sur l’heure d’arrivée. 





Nous approchons le petit port de pêche de la Palmeira une heure avant le lever du soleil et faisons quelques ronds dans l’eau pour tuer le temps en attendant d’y voir clair car l’éclairage du balisage est réputé pour être assez aléatoire, sans compter les quelques épaves a fleur d’eau ou bouées non éclairées. Finalement une fois le soleil levé l’entrée est facile et plutôt bien balisée. Nous découvrons un mouillage rempli de voiliers et de petits bateaux de pêche qui se partagent une baie bien abritée de la houle. Le vent souffle parfois jusqu’à 35 nœuds en rafales mais le fond accroche bien et la direction du vent est très stable ; nous nous sentons très vite suffisamment à l’aise pour laisser le bateau et rejoindre le village en annexe. 

Petit clin d'oeil a Seb et Maude, voila Mathias partis pour un tour de l'Atlantique sur son Contessa 26'

Le petit port de La Palmeira
La Palmeira est l’un des trois ports ou l’on peut effectuer les formalités d’entrée en République du Cap Vert. Un tampon sur le passeport pour la partie « immigration » et les vérifications habituelles des papiers du bateau et notre itinéraire pour la partie « autorités portuaires ». Le guide nautique nous annonçait un périple administratif incluant un passage par le bureau de l’immigration de l’aéroport à plusieurs kilomètres de l à, mais désormais ici tout se fait dans un seul bureau en plein centre du village! Le bureau semble ouvert aux grés des humeurs des fonctionnaires de police, et il vaut mieux s’y prendre à l’avance pour récupérer les papiers du bateau qui sont retenus jusqu’au départ…
Sal est l’ile la plus touristique du Cap Vert ; misant sur d’excellents spots de surf et kyte surf, un complexe touristique semblent s’être développé à la pointe sud de l’ile, Santa Maria. La Palmeira fait visiblement partie du tour guidé proposé aux touristes car nous en croisons chaque jour un ou deux groupes, gentiment poussés vers les quelques magasins de souvenirs sur le port. Comme souvent il semble que le fait de voyager en voilier aide à être moins à l’écart des populations, et dans l’ensemble nous nous sentons accueillis simplement ; après avoir poliment signifié qu’on ne souhaitait pas acheter quoi que ce soit dans le magasin de souvenirs il semble plutôt facile de nouer contact.
Les annexes des plaisanciers et les barques des pêcheurs se partagent la petite jetée ; avec tout ce monde autour nous ne ressentons aucun besoin de faire garder notre annexe par un des gamins du port comme il est conseilles dans les guides nautiques. A l’heure du retour de la pêche c’est le long de cette jetée que l’on peut acheter du poisson pour quelques centaines d’escudos (quelques euros). On se heurte parfois  à un sourire étonné suivi d’un non de la tête qui semble signifier « mais non Madame je ne vends pas mon poisson moi, je le mange ! ». Pécher pour manger et non pas pour faire du commerce avec sa pêche, on avait presque oublié que les choses pouvaient être si simples…  Ici la mer nourrit les hommes chaque jour, et c’est tout ce que la nature a à leur offrir, espérons que les gros thonniers étrangers qui fleurissent ca et là ne viendrons pas vider cette réserve indispensable à la survie des capverdiens.
Une cuve d’eau douce située au cœur du village est alimentée par camion citerne (de l’eau de mer desalinisée que nous ne buvons pas mais utilisons pour la cuisine et la toilette), nous remplissons nos bidons au milieu des jeunes du coin qui trimballent leurs énormes bidons dans de grosses brouettes.
Devant la jetée le bar ne désempli par et le Grog semble couler à flot des le matin (Rhum local produit en grande quantité sur l’ile de San Antoa et vendu très bon marché dans tout l’Archipel).




Sal est souvent décrite comme la plus africaine des iles du Cap Vert, elle est désertique et sans ressources naturelles ni eau. Comme prévu les produits frais sont rares et hors de prix : on trouve quelques bananes et patates douces venues San Antoa l’ile grenier du Cap Vert, et les épiceries ont parfois des œufs (il faut avoir ses propres boites). On trouve ici et là quelques fruits importés du Sénégal, mais le prix exorbitant nous fait vite comprendre qu’ils ne sont pas importés à l’intention des habitants locaux… Nous mangeons ce qu’il reste de notre avitaillement de Las Palmas et commençons nos réserves de boites de conserves !
Avant de quitter l’ile nous profitons de quelques jours ou le vent se calme pour nous mettre au mouillage dans la baie de Murdeira, quelques 6 miles au sud de La Palmeira. Cette navigation côtière nous permet de profiter de Callisto désormais en pleine forme ! Nous naviguons au prés dans 15 à 20 nœuds et retrouvons le plaisir de barrer.
 En deux jours nous aurons eu seulement deux voisins dans cette immense baie… L’eau est claire, le fons sableux, l’ancre accroche très bien… et le long de la pointe qui ferme la baie au nord il y a même une vague ! Nous allons mouiller notre annexe au ras de la cote près de la vague, et Benoit part surfer pendant que je prends masque et tuba pour explorer les fonds. Les fonds sont décevants et je regagne assez vite le bateau à la nage, mais la vague est plus puissante que prévue et Benoit revient content de sa session!






Nous devons repasser par La Palmeira avant de quitter l’ile pour récupérer les papiers du bateau. Nous y croisons Esra, un des bateau stoppeurs allemand de Las Palmas avec qui nous avions passé Noel. Il vient de décider de quitter le bateau qui devait l’emmener jusqu’au Brésil car les choses ne se sont pas bien passées entre Las Palmas et le Cap Vert. Nous lui proposons de l’emmener à Mindelo ou il trouvera beaucoup plus facilement un autre équipage. Le 12 Janvier, nous voila donc partis tous les trois vers Mindelo sur l’ile Sao Vincete à 120 miles à l’Ouest.
24 heures de navigation dans très peu de vent, nous mettrons même le moteur pour être surs d’arriver avant la nuit a Mindelo. Esra est curieux de tout à bord et essai d’apprendre un maximum de choses sur la marche du bateau. Il a énormément à nous apprendre sur Friburg sa ville natale, avant-gardiste sur les questions d’habitats autonomes en énergie, les jardins cultivés collectifs et tout un tas de concepts. De quoi nous rappeler qu’au delà du débat sur son économie et ses politiques sociales, l’Allemagne peut servir de model sur au moins un sujet ! Le temps passe vite à force de parler autant…

Le 13 Janvier dans l’après midi nous arrivons donc à Mindelo, capitale culturelle de la république du Cap Vert !
C’est également ici que se trouve l’unique marina de l’archipel. Mais nous ne gouterons pas aux joies de l’eau courante au ponton et resterons au mouillage pour la durée de notre séjour. Beaucoup plus confiants dans la tenue de notre ancre, nous nous sentons désormais plus indépendants et tranquilles au mouillage que dans un port (ca tombe bien la marina de Mindelo est tenue par un Allemand qui a réussi à acquérir une réputation de bandit et nous sommes plutôt content d’éviter d’alimenter son business…). 




Comme à Sal on parle plus à Mindelo le creoule que le portugais des anciens colons (creole local qui se décline en autant de versions qu’il n’y a d’iles dans l’Archipel) et on y boit du grog de San Antao.
Mindelo a fait ses adieux à la plus grande ambassadrice du Cap Vert, Cesaria Evora « la diva aux pieds nues » quelques semaines avant notre arrivée. La ville regorge de talents musicaux, les musiciens naissent une guitare dans les mains et les influences multiples qui dominent toute la culture cap verdienne se devinent dans les chants et les rythmes. Le métissage entre population locale, ancien colons portugais, et de nombreux immigrés sénégalais et brésilien se retrouve également dans la diversité des couleurs de peau. La réputation de la beauté des cap verdiens n’est plus à faire ; au delà des apparences la gentillesse et la tranquillité ambiante sont un vrai bonheur, et plutôt contagieuses !
A terre nous faisons vite connaissance avec des français expatriés qui nous ouvrent les portes d’un bar clandestin un soir et nous permettent le lendemain de vivre quelques moments privilégiées avec des musiciens habitués des grandes scènes qui font durer le plaisir entre amis après la fermeture du bar…



un salon de coiffure...


Malgré la richesse culturelle de sa capitale, l’ile de Sao Vincente manque d’eau et donc de cultures pour nourrir sa population. Aux grandes heures de l’époque coloniale, les notables ont vite compris qu’ils pourraient profiter de la proximité avec la voisine San Antao, seule ile fertile de l’archipel. Ils ont fait appel à Lisbonne pour financer l’aménagement de « Porto Novo », un port de commerce sur la cote Est de San Antao qui fait face à MIndelo, et pour la construction d’impressionnantes routes pavées qui suivent les crêtes et descendent dans les vallées pour desservir les cultures en terrasses qui se nichent partout. Une visite s’impose !
Nous partons en excursion pour deux jours avec Tom un galois sur son petit voilier Makatea rencontré à Las Palmas, et toujours accompagnés d’Esra qui passe quelques jours à bord de Callisto le temps de se retourner. Pas très rassurés de laisser les bateaux sans surveillance alors qu’il souffle 30 nœuds dans le mouillage et que des bateaux sont régulièrement « visités » dans la baie, nous mettons en place un deuxième mouillage, laissons l’éclairage intérieur allumé, et croisons les doigts !
Au départ de Porto Novo nous montons dans un aluger jusqu’au plus haut sommet de l’ile et descendons en marchant sur l’autre versant (un aluger est un genre de taxi-bus qui s’arête à la demande, principal moyen de transport dans l’archipel depuis le transport de touristes jusqu’au transport de fruits et légumes sur les marches, nous nous faisons avoir comme de bon touristes que nous sommes, et payons 5 fois le prix facture aux locaux… lecon prise !). Les paysages sont superbes, les vallées se succèdent et on aperçoit partout des cultures en terrasse à flanc de volcan… Le travail de titan qui a du être nécessaire pour mettre en place ces cultures, dont les plus élaborées sont irriguées, se poursuit chaque jour pour les cultiver et transporter les récoltes à l’aide de bassines portées sur la tête des femmes. On découvre de petites maisons et des villages isolés en pleine vallée ; il y règne un clame fascinant, on se sent tout à coup si petit… Ici aussi la pêche nourrit les hommes simplement, au retour des petits bateau chacun semble venir chercher ce qu’il lui faut pour la journée, et va ensuite vider et nettoyer son poisson dans la mer un peu plus loin à l’aide d’un couteau qui passe de mains en mains.












Nous attendons désormais la fin d’un petit coup de vent et d’une houle de Nord Ouest pour nous élancer dans le grand bain oceanique ! Nous mettrons le cap sur La Barbade, ou si nous nous sentons encore des forces directement sur les Grenadines un peu plus loin à l’Ouest ! Nous prévoyons 15 à 20 jours de traversée, à bientôt !!!